Histoires en série

petrelli

par Jean-Yves Le Moine, publié le 10.08.2009

Les bonnes histoires sont sérielles, c’est à dire qu’elles se développent sous forme d’épisodes qui peuvent se suivre linéairement ou non et qu’elles se répètent ou plutôt se renouvellent sans cesse. Tout le monde connaît ces séries américaines, 24H, Lost, Heroes, etc..Elles s’arrêtent sur un suspens si fort qu’on attend la suite avec une telle impatience.

 

 


On l’invente même le lendemain devant et avec ses collègues ou ses amis. Ces histoires incitent ainsi à la participation de tous. Le prochain épisode, grâce à l’histoire collective ainsi créée, qu’il la confirme ou l’infirme, viendra activer plus profondément encore notre mémoire sémantique.

Il n’y a finalement que peu d’histoires et toutes ont probablement été déjà écrites ou racontées sous une forme ou sous une autre. Toute histoire serait la répétition d’une autre que nous connaissons consciemment ou inconsciemment, et en même temps la préfiguration de celle que nous raconterons ou qu’un autre nous racontera. Ces répétitions que l’on peut trouver jusqu’au sein même des histoires ne sont pas des redondances, mais plutôt des phares qui viennent ça et là éclairer notre mémoire pour notre plus grand plaisir.

24 chronoLes bonnes histoires sont le plus souvent faites d’un faisceau d’intrigues où différents personnages chevauchent différents temps. Cette abondance adresse la multiplicité des facettes de nos personnalités, elle adresse la diversité des Autres. Chacun peut s’identifier à un personnage, faire sienne une intrigue et tisser son fil avec celui de l’Autre. Cette multiplicité se croise avec la sérialité pour tisser une étoffe forte et chamarrée. Ce croisement de temps, d’espaces et de personnages fait écho avec la fragmentation de nos vies, toujours plus grandissante dans le monde numérique d’aujourd’hui. Les histoires en séries ont commencé par des chansons de gestes, puis dans les feuilletons à succès de Balzac écrits au jour le jour dans les journaux, elles se sont poursuivies dans les livres, elles ont continué à devenir plus concrètes encore avec le cinéma.

lost gameAujourd’hui, elles éclatent sur tous les média, délinéarisées dans le temps et dans l’espace, en accord ou en désaccord, c’est selon, avec l’éclatement du monde. Demain, de nouveaux conteurs apparaîtront pour rassembler les auditeurs dans un même lieu, autour d’une même histoire. Demain, les histoires seront les seules machines à courber le temps pour parodier l’expression de l’écrivain Nicolas Dickner à propos des livres. Le transmédia en permettant un parcours dans les histoires doit chercher à s’affranchir de la notion de passé de présent et d’avenir.

Le spectateur peut alors se plonger dans l’univers transmédia et s’y perdre, oubliant le temps qui passe. Toute histoire doit courber le temps de celui qui l’écoute. C’est bien cela le plus grand luxe  que nous offre aujourd’hui le transmédia  : il nous redonne du temps… pour nous même.