Cycles courts, cycles longs de production

plus-belle-la-vie

par Marc Guidoni , publié le 26.08.2009

La fiction française sur nos chaînes est en difficulté depuis le début des années 2000. Les audiences semblent en chute libre… Pourtant les moyens sont là : 600M€/an pour les hertziennes. Mais la comparaison avec les séries originales nord-américaines fait mal.

Le processus industriel de fabrication de séries utilisé en Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) est assez fondamentalement différent du nôtre. Sans chercher à l’idéaliser, il est intéressant de comprendre comment il fonctionne.

L’écriture n’est pas faite une fois pour toutes en amont, mais elle se fabrique au fil de l’eau. Pour le dire autrement, quand la diffusion d’une saison de 24 épisodes commence, seuls les 4 ou 5 premiers sont écrits. On part sans filet… Les autres s’écriront en continu, ce qui du coup permet de faire évoluer l’écriture et les arcs dramatiques en fonction des retours du public, et aussi de l’actualité : aucune difficulté pour insérer dans un épisode un événement type ‘résultat d’élection’ ou ‘victoire sportive’ car l’épisode s’écrit quelques semaines seulement avant sa diffusion. En France, à quelques rares exceptions près (« plus belle la vie » dont nous reparlerons), tout est écrit, puis tourné des mois et des mois avant la diffusion.

Le mode de fabrication américain est donc fondamentalement ‘transmedia ready’ car il est construit autour d’un cycle nativement itératif impliquant le spectateur :

écriture/production/diffusion/enrichissement par les retours/écriture/production/diffusion etc…

Phase fondatrice de développement (la R&D du secteur)

• Conception du Cahier des Charges des lignes générales de la série et de l’ADN des personnages,

• Aboutissement au meilleur scénario possible pour le pilote de la série, et tournage de ce pilote

• Elaboration précise de la méthodologie de travail et du work-flow futur de production

L’écriture

• Construction du Groupe de scénaristes travaillant ensemble avec une grande liberté créative mais sous la direction d’un ‘Show-runner’. C’est un scénariste rompu aux impératifs de production et qui a parfaitement intégré le Cahier des Charges.

La production

• Le réalisateur ne participe pas à l’écriture du scénario. Il arrive 2 semaines avant le tournage et ne peut toucher aux scripts qui ont été préalablement validés. Il n’est pas là en tant qu’auteur, mais que technicien.

• Le tournage a été préalablement calibré dans le Cahier des Charges (durée, nombre de décors,…). Seuls les premiers épisodes sont tournés, les moyens sont mis en place pour tourner les suivants en parallèle de la diffusion des premiers.

• Le montage de l’épisode doit débuter à la mi-tournage environ

La diffusion

• Elle doit avoir lieu dans un délai court par rapport à la fin du tournage et de la Post-Production.

Notons qu’en France, ‘Plus Belle la Vie’ fonctionne avec ce mode de fabrication en cycle court et bouclé. Faut-il y voir un lien avec le fait que c’est de très loin la série qui a le succès le plus large auprès d’un public extrêmement diversifié ?

Pour poursuivre la réflexion, passionnante séquence d’échanges sur France Culture le 3/7/09 avec Jean Bigot et Orso Miret

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auteur Marc Guidoni

Producteur @Fondivina