Le Grand Webze, un web in progress

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par Oriane Hurard, publié le 17.01.2012

Depuis le 28 octobre à raison d’une émission par mois, un ovni mi-télévisuel mi-web se balade sur les écrans français : Le Grand Webze, fruit d’une collaboration entre le blogueur Cyrille de Lasteyrie (aka ) et l’humoriste François Rollin, a pour ambition de faire parvenir l’univers d’Internet à la télévision.


 

 

 

Loin d’une énième chronique télévisée sur les « phénomènes du web », Le Grand Webze se construit avant, pendant et après sur le web, par et pour les internautes avides de ce type d’expérience connectée. En trois numéros pour l’instant et malgré quelques défauts de rythme et une audience confidentielle, l’émission a réussi à proposer une alternative séduisante, une nouvelle manière de regarder et de concevoir la télévision.

Émission en direct, blog, page Facebook, fil Twitter, live-tweet, catch-up, vrai-faux documentaire sur les coulisses : Le Grand Webze nous offre une parfaite idée de ce que pourrait être la télévision de demain.
Avant d’être définitivement fixés sur le futur de l’émission, qui devrait probablement revenir sur nos écrans à partir du 24 février (cf. le compte à rebours présent sur le site), c’est l’occasion ou jamais de revenir sur les trois premières émissions du Grand Webzé avec la et incontournable , community manager (mais pas que) de l’émission.

 

En règle générale, un community manager est invisible derrière son écran. Toi au contraire, tu es très présente et tu es même au cœur du plateau lors des directs de l’émissions. Comment ton rôle a été pensé dans le dispositif du Grand Webze ?

Florence Porcel : « Cyrille de Lasteyrie, François Rollin et ont imaginé avec France 5 une émission composée de rubriques toutes différentes les unes des autres : c’est la partie « ze » du Webze. La valeur ajoutée du programme se trouve dans la partie « web » du Webze et c’est là que mon poste intervient. L’idée, c’était qu’une personne s’occupe du crowd-sourcing, que l’on a traduit par « foule-cherchage », sur un blog et les réseaux sociaux. La promesse de l’émission était donc de trouver les intervenants et les créateurs sur le web avec l’aide des internautes, et de leur fournir du contenu et des actualités sur l’émission régulièrement.

Le fait que je sois présente à l’antenne s’est décidé naturellement : c’est l’essence même de l’émission que d’être en lien avec le web ! Les internautes nous apportent idées, contenus, personnalités ; d’un autre côté nous espérons leur apporter une nouvelle façon de regarder la télévision : il ne s’agit plus pour eux de la live-tweeter dans leur coin, mais de leur donner l’opportunité d’interagir avec nous pendant le direct et la possibilité de voir leurs questions enrichir le débat. Mon rôle a évolué en même temps que les trois émissions, mais ce qui ne change pas, c’est que je reste le lien entre les internautes et le plateau »


Justement, pour maintenir et alimenter ce lien entre le plateau et les internautes durant le direct, l’émission a mis en place un live journalistique. Peux-tu nous expliquer ce dont il s’agit ?

Le live journalistique est animé par sur notre blog et vise à apporter une dimension interactive avec la communauté pendant le direct. C’est un dispositif révolutionnaire. Parallèlement à l’émission, les internautes peuvent suivre une expérience de deuxième écran : le direct et les coulisses y sont racontés et décrits, des contenus d’information sont apportés, des commentaires sont modérés et les journalistes répondent aux questions des internautes… Tout cela sous forme de réponses écrites, de liens vers des articles, de photos, de vidéos, etc…
C’est passionnant, super riche, très intéressant à suivre pendant le direct et tout autant après, qu’on ait vu ou pas l’émission.
Personnellement, je suis complètement emballée par ce dispositif, je pense sincèrement que c’est l’avenir de la télé connectée !

 

Les internautes sont supposés réagir à ce qui se passe dans l’émission : influent-ils réellement sur son contenu au fil des éditions ? Comment s’organise la circulation entre antenne et web ?

L’émission se construit en toute transparence sur le web avec l’aide des internautes. Ils influent donc sur son contenu par le biais des appels à contributions que nous postons régulièrement, des sondages qu’on publie sur Facebook, des suggestions qu’on reçoit s pontanémen t, des critiques qui nous sont adressées après chaque émission… De notre point de vue, c’est passionnant : on reç oit à chaque émission des dizaines de mails, des centaines de commentaires sur Facebook et des m ill iers de tweets. Je lis tout, absolument tout. Je réponds aux questions. Je réagis aux commentaires. A partir de là, au lieu de laisser les internautes s’exprimer dans leur coin, un échange s’installe : ils disent ce qu’ils attendent, nous expliquons ce que nous avons voulu faire, ils proposent des idées, nous les prenons en compte tout en expliquant que nous avons des contraintes qu’ils sont souvent loin d’imaginer, ils précisent ce qu’ils ont préféré et moins aimé, nous nous en servons pour l’ém ission s uivante, etc.

Nous ne considérons pas les internautes comme une audience ni une communauté, qui sont des termes marketing assez vagues et impersonnels, mais plutôt comme des partenaires et des invités potentiels. Je pense sincèrement qu’il y a un vrai lien humain : déjà parce que Vinvin est très connu et très apprécié sur le web, ensuite parce que mon rôle entre les émissions est personnalisé pendant le direct. Il est beaucoup plus facile et naturel de s’adresser à une marque quand on pose un visage et une voix sur la personne qui s’en occupe… Je ne connais pas beaucoup d’émissions qui poussent ce dispositif aussi loin !

 

 

Quel est le rôle des réseaux sociaux dans votre dispositif ? Avez-vous choisi délibérément d’axer votre présence davantage sur Twitter que sur Facebook ?

Je ne pense pas que nous soyons plus présents sur que sur – en tout cas entre les émissions. Je fais justement attention à bien équilibrer les deux. Facebook permet plus de choses : de commenter des photos, de proposer des sondages, d’organiser des jeux… C’est ludique, Facebook.
Par contre, c’est vrai que pendant le direct de l’émission – et même les 48 heures qui la précèdent – nous sommes beaucoup plus actifs sur Twitter. Tout simplement parce que le live-tweet d’émissions est une réalité quotidienne sur Twitter et pas du tout sur Facebook qui se prête beaucoup moins, par son ergonomie, à ce genre d’exercice.
Dès la première émission, je me suis rendue compte à quel point c’était redoutablement difficile de tirer une synthèse en direct de ce qui se live-tweetait. D’autant qu’en plus de lire plusieurs dizaines de messages par minute, il fallait que je reste concentrée sur ce qui se passe à l’antenne pour ne pas intervenir complètement à côté. Pas facile… ça m’est arrivé de me planter ;-)

 

Dans l’émission diffusée le 16 décembre dernier, Vinvin a commencé l’émission en déclarant « Le Grand Webze se cherche ». En effet, du joyeux bordel mobile et hésitant de la première, on est passé à un décor et à des chroniques de plus en plus lissés, parfois même un peu trop aseptisés (live promo d’un artiste, jingle « normalisé », plateau fixe). Comment sont pensées ces évolutions : sont-elles liées aux réactions des internautes ou aux exigences de la chaine ?

Ce n’est pas tant en lien avec les réactions des internautes, qui ont globalement beaucoup aimé le côté foutraque de la première qu’en lien avec les demandes de la chaîne. Et des nôtres aussi, ne nous leurrons pas : à trop vouloir détourner les codes de la télévision, on s’est rendu compte que s’il y avait des codes, c’était pour une bonne raison… Il y a des choses qui fonctionnent et d’autres pas. Se déplacer dans un lieu aussi grand implique forcément du temps – et il n’y a rien de moins télévisuel qu’un déplacement, par exemple. On perd en rythme, c’est compliqué pour la réalisation et pour les caméras, etc. D’où les positions assises des émissions suivantes.
C’est donc un ensemble de détails, de techniques, de contraintes, de réactions et de critiques qui ont façonné chaque émission pour en faire un objet à chaque fois différent. Cela dit, le côté « laboratoire » et « work in progress » de l’émission est assumé et même revendiqué : France 5 nous donne cette chance immense d’essayer de créer un objet ovni. Alors certes, on tâtonne, on essaye, on se plante, on réessaye, on réussit, on teste. Tout ça à la vue et au su de tous. Il y en a qui suivent avec beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme, qui critiquent constructivement quand ils n’aiment pas et qui disent volontiers quand ils aiment, et d’autres qui prennent évidemment un malin plaisir à ne jamais être contents… et à ne jamais rien proposer d’autre. Mais ça, hein… On s’ennuierait, sans nos amis les trolls !

 

Considérez-vous les chiffres d’audience antenne et web comme un succès ? Aviez-vous des objectifs définis en amont à ce sujet avec France 5 ?

Nous n’avons eu aucun objectif d’audience de la part de France 5 : on ne peut décemment pas demander à une émission-labo, à cette case horaire, de faire à tout prix des parts de marché délirantes !
Du côté du web, on a fait entre 3000 et 3500 tweets par émission de 70 minutes. Nous sommes à chaque fois dans les France, avec le hashtag #lgw en première position lors des émissions du 28 octobre et du 25 novembre, et en seconde position pendant celle du 16 décembre, et c’est très positif !
En trois émissions, on a réuni 1762 fans sur Facebook et 2600 followers sur Twitter. Le blog marche bien également. On voudrait toujours plus, bien sûr, mais ce genre de chose s’installe dans la durée…

 

Enfin, peut-on parler de véritable stratégie transmedia à propos du Grand Webze ?

Complètement. C’est d’ailleurs la raison d’être de ce projet : une émission qui ne s’arrête jamais, qui est présente à la télévision, sur un blog, sur les réseaux sociaux… Cerise sur le gâteau, nous tentons même de nouvelles expériences d’écriture, mi-documentaire, mi-bêtiser making-off… Différents supports, différents angles de vue, différentes temporalités, différentes façons de raconter toute cette histoire… Nous sommes en plein cœur d’une stratégie transmedia !

 

 

auteur Oriane Hurard

Actuellement chargée de coordination de Transmedia Immersive University, laboratoire de formation et de création initié par Jérémy Pouilloux (La Générale de Production). Auparavant, Oriane a passé neuf mois chez Happy Fannie en tant que Community manager sur le feuilleton transmedia "Fanfan2, Quinze ans après". Encore avant, elle a écrit son mémoire de fin d’études sur l’écriture transmedia dans la fiction française, avec lequel elle a été diplômée du Master de Production Audiovisuelle et Numérique de l’Ina SUP

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