Do it yourself : les productions « pirates » des communautés de fans 2/3

par Aurore Gallarino, publié le 11.04.2012

Dans le cadre de la série d’articles qui dresse le panorama de certaines pratiques des fans notamment en terme de storytelling et de leur potentiel transmedia, voici un nouvel éclairage proposé par Aurore Gallarino. Après l’approche « des fabriques d’histoires des communautés de fans » , Aurore vous propose un décryptage des « extensions d’univers : les franchises “faites maison »

 

 

 

Tout le monde aura en tête –  voire dans ses placards –  un mug, un tee-shirt, une figurine à l’effigie d’un héros de film, série, manga ou autre. Le fan est en effet généralement assumé comme collectionneur et nous ne débattront pas à ce sujet (voir Bromberger, 1998 ; Le Guern, 2010). Ici, nous nous intéresserons plutôt à l’objet de collection non pas issu des industries culturelles mais directement produit, fabriqué, réinventé par le fan. Dans les contenus les plus courants créés par ces communautés,  on trouve évidemment les encyclopédies et autres guides du fan qui répertorient de manière quasi systématique l’ensemble des ressources autour de l’œuvre et sert de référence. Mais lorsque que les industries peinent à lui offrir les produits dérivés ou les extensions dont il rêve, le fan se retrousse les manches et conçoit lui-même les objets  qu’il aimerait trouver sur le marché.

 

LES PRODUITS DÉRIVÉS POUR FANS

Les industries culturelles développent de nombreux produits dérivés mais les communautés de fans n’hésitent pas à leur faire concurrence en proposant leurs propres versions de ces produits dérivés. Ici, par exemple, même si le magasin en ligne Warner Bros propose différents objets liés au monde d’Harry Potter dont des tee-shirts, des répliques, des figurines ou des bijoux, les fans fabriquent et vendent sur des sites pour jeunes créateurs le même genre de produits.

Exemple : Stickers pour iPad créé par des fans

 

Par ailleurs, même lorsqu’il existe des produits dérivés officiels, les fans n’hésitent pas parfois tout de même créer leur propre version. Ainsi, bien que le Warner Bros Shop propose à l’achat un collier officiel représentant les « Reliques de la mort » (« Deathly hollows » en VO), les fans bricoleurs vendent leur propre collier Reliques de la mort « made in fandom » sur les sites de vente pour jeunes créateurs cité précédemment.

 

LES FRANCHISES NON-OFFICIELLES

Dans un autre genre, les fans peuvent exploiter les ressources d’autres franchises. En effet, plus que réadapter les franchises et produits dérivés existant déjà, les fans s’emparent de franchises sur lesquelles leur univers n’a jamais été décliné pour créer des franchises « pirates ».

Par exemple, alors qu’on peut retrouver de nombreuses déclinaisons du jeu de société issues d’autres univers comme Star Wars ou Les Simpson, il n’existe aucune version officielle d’un Monopoly Harry Potter. La communauté de fans Harry Potter, frustrée, ne s’est donc pas embarrassée : certains fans ont créé leur propre Monopoly, plus vrai que nature.

De plus, certaines franchises déjà existantes comme le jeu vidéo de simulation de vie réelle Les Sims offrent un véritable terrain d’expression aux fans. Ceux-ci, grâce au degré de personnalisation offert au joueur dans ce jeu vidéo, se sont emparés des outils « do it yourself » présents dans le jeu pour créer leurs propres objets, coiffures, vêtements pour, finalement, peu à peu fabriquer une extension du jeu vidéo qui pourrait s’appeler « Les Sims : Harry Potter ».

Grâce aux autres fonctionnalités offertes par le jeu vidéo, les fans ont utilisé leurs Sims version Harry Potter pour leur faire jouer des scènes des livres originaux et produire leurs propres films. Un fan a, par exemple, utilisé le jeu Les Sims 2 pour réaliser une très convaincante série de vidéos reprenant le scénario d’Harry Potter à l’école des sorciers, créant chaque personnage, lieu, costumes et situation de vie de A à Z.

Ici, capture d’écran de la scène d’ouverture d’Harry Potter où Albus Dumbledore, Minerva Mc Gonagall et Rubeus Hagrid déposent le jeune bébé Harry devant le perron des Dursley.

Par ailleurs, il faut noter que l’éditeur de jeu vidéo EA Games propose le même genre de franchise avec récemment la sortie d’une extension collector du jeu les Sims 3 entièrement axée sur la vie de la chanteuse Katy Perry. En intégrant des personnalités réelles dans un jeu fictionnel, EA Games reprend des usages et pratiques fans déjà largement développées.

 

LES PRODUCTIONS ORIGINALES

L’enthousiasme fan se retrouve aussi dans d’autres médias moins évidents à apprivoiser. Il existe ainsi une  comédie musicale Harry Potter qui s’intitule : « A Very Potter Musical ». Entre parodie et meta-regard sur leurs pratiques, un groupe de fans est en effet allé jusqu’à écrire et composer une comédie musicale inspirée de son univers de prédilection.

 

LE RÉSEAU SOCIAL DE FANS TOUT EN UN

Fait pour prolonger l’expérience de manière la plus immersive possible, le site myHogwarts est le dernier projet en date de la communauté anglo-saxonne autour d’Harry Potter. Croisement entre un forum RPG, un réseau social et un fan-club, ce site qui ouvrira en juin est dans la lignée des réseaux sociaux comme facebook et twitter. Sa particularité est de vouloir être la passerelle entre monde fan et monde réel pour la communauté de lecteurs d’Harry Potter.

Description donnée sur le site : « myHogwarts is a social network for Harry Potter fans… but it’s also so much more than that. Like traditional social networks, we allow you to add friends, have profiles, send messages, write on walls and everything you’re used to. What those networks don’t offer, however, is the ability to meet new Potter fans from around the world, socialize in your House Common Room, collect Chocolate Frog Cards, listen to an all-wizarding radio station, read and write books for the Hogwarts Library, meet other fans in your local area, take in-character Hogwarts courses and much more. »


Ainsi, avec myHogwarts, l’ambition fan est de faire perdurer le fandom. Il y a 10 ans, lors de l’organisation des premières communautés fans autour d’Harry Potter, les réseaux sociaux n’existaient pas. Aujourd’hui, les communautés s’emparent des nouveaux outils et plates-formes existantes pour coloniser, s’approprier d’autres lieux toujours plus en adéquation avec les pratiques numériques et culturelles des publics. Si les réseaux sociaux sont une forme d’expression de soi (Granjon, Denouël, 2010), les réseaux sociaux fans participent donc de l’expressivité fan et de l’identité d’une communauté via de nouvelles formes de storytelling.

 

RESSOURCES EN LIGNE

- The Deathly Hallows – Unisex Harry Potter Inspired Deathly Hallows Necklace Hematite Gunmetal Three Peverell Brothers Guy Man : http://www.etsy.com

- La Reproduction de l’acteur Rupert Grint version « Sims » : http://lecadeau.blogspot.fr

- Harry Potter version Sims, création originale fan : http://www.brighthub.com

- Katy Perry face à son alter-égo Sims :

 

 

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auteur Aurore Gallarino

Travaillant actuellement comme chargée de médiation sur les réseaux sociaux pour le Centre Pompidou, je m'intéresse avant tout aux audiences et aux créations amateurs. Récemment diplômée d'un master 2 recherche en info-com, je continue cette année en "free-lance" mes recherches dans le champ des études culturelles, de la fan culture, de la convergence, de la culture participative, des nouveaux médias et des métamorphoses médiatiques en général.

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