Fais pas ci, Fais pas ça… fais du transmedia ?
par Oriane Hurard, publié le 13.12.2011
A l’occasion de la diffusion de sa 4ème saison, la série «Fais pas ci, Fais pas ça» a lancé le site internet de la méthode Denis Bouley, une solution de coaching personnel ET personnalisé. Retour sur ce dispositif, tout en profitant pour s’interroger sur la pertinence d’un tel addendum, à défaut d’une véritable construction transmedia.
Depuis quatre ans déjà, Fais pas ci, Fais pas ça nous montre la vie quotidienne de deux familles voisines qu’à priori tout oppose. Comédie, émotion et humour : la série, portée par une équipe de comédiens soudés et talentueux, réussit à séduire les téléspectateurs de France 2 de façon massive et régulière (environ 4 millions de téléspectateurs chaque semaine).
La méthode DB, entreprise de coaching personnalisé créée par l’un des personnages principaux lors de la saison précédente a désormais son site web dédié, réalisé par Grouek, studio de création parisien déjà impliqué dans des campagnes originales et interactives comme , Let’s Baby Dance (Evian) ou encore Moi et mon salon (Ikea).
Sur www.la-methode-denis-bouley.fr, Denis Bouley (interprété par Bruno Salomone) est omniprésent, accompagné d’agaçants (ou apaisants, c’est selon) pépiements d’oiseaux. Dès son ouverture, ce site très zen et surtout très coloré nous propose, avec un GIF du meilleur goût, de commencer une séance de coaching gratuite. Un clic, et c’est parti pour plusieurs minutes de tête-à-tête vidéo avec Denis qui devient temporairement notre coach personnel.
« Un dos tres, je déstresse » : une vidéo originale et en accord avec la série
Douce folie ambiante, humour absurde de Denis qui se prend très au sérieux, du « zen pour les nuls » : nous sommes bien dans l’esprit de la série TV.
D’un point de vue fonctionnel, la première partie de la « séance » intègre un QCM, avec boutons cliquables au sein de la vidéo. L’exercice fonctionne plutôt bien, chaque choix apportant un segment de vidéo différent. Si on attend un peu avant de cliquer, Denis Bouley nous adresse à nouveau la parole en nous exhortant à prendre notre temps ou, au contraire, nous demande d’accélérer le rythme : « Tu n’es pas très réactif, dis donc. Tu sais que j’ai d’autres gens à voir ? »
Une fois les trois questions effectuées, les exercices suivants proposent une interaction un peu plus poussée entre le spectateur-cliqueur et le coach, en utilisant successivement les outils de l’internaute : son micro, son clavier et sa webcam. L’ensemble de ces questions permettent de dessiner une sorte de portrait chinois à la Denis Bouley : le coach finit par donner à l’internaute la couleur, le végétal et le point cardinal qui lui correspondent, et propose ensuite de partager ce résultat sur Facebook ou Twitter.
Atouts et limites de l’exercice : une vidéo, et puis ?
Après avoir donc découvert que j’étais « marron, gazon et ouest », j’ai pu explorer le reste du site, simple déclinaison
du concept de départ.
On y retrouve l’univers de la série télévisée, sans pour autant y faire constamment référence ; c’est un point primordial pour l’autonomie théorique du site. Sans connaître sur le bout des doigts tous les épisodes ou les personnages, on peut simplement se laisser porter par la folie absurde tenue de bout en bout par Denis Bouley/Bruno Salomone (voir l’interview de l’acteur précisant son implication sur le site)
D’un point de vue technique, les interactions employées sont simples mais efficaces, sans exiger de l’internaute un équipement technique alambiqué. L’ensemble des actions à réaliser se situe au sein du même player, sur la même page, et le nombre de clics est suffisamment limité pour se laisser porter par le personnage. En ce sens, cette mécanique est parfaitement adaptée au public initial de la série, peu accoutumé aux dispositifs plurimedia complexes loués par les «professionnels de la profession» mais bien souvent partiellement boudés par le grand public.
Malgré tout, on peut reprocher à l’exercice de ne pas aller plus loin dans cette logique de coaching virtuel. En dehors de la vidéo, le reste du site se contente exclusivement de références aux saisons 3 et 4 de la série d’origine et à ses personnages principaux ; la homepage finit par renvoyer directement au site officiel de la série sur France2, où les internautes peuvent revoir des extraits thématiques des quatre saisons (ce qui n’est pas le cas ici).
Cet accompagnement interactif est en outre passé relativement inaperçu, excepté peut-être pour les 14 000 fans de au début de la promotion de la saison 4 (34000 en fin de saison). Alors qu’au même moment, on n’entendait parler que de Mission Braquo, le projet transmedia autour de la série de Canal+, la communication autour de la méthode DB fut assez confidentielle, malgré une (petite ?) campagne de publicité sur le site Allociné.
Bien que louable, il est regrettable de voir combien cette initiative reste encore isolée et limitée. A l’opposé des dispositifs riches, immersifs, et (parfois trop) complexes tels qu’on a pu les croiser et les observer ici au fil des billets, la vidéo de Denis, certes efficace et ludique, se retrouve ici bien seule pour parler d’un véritable complément de la série sur le web.
Avec un sujet aussi riche et populaire que la vie de ces deux familles, on se surprend à rêver d’un véritable dispositif qui ne se contenterait pas d’utiliser Facebook ou Twitter comme un simple vecteur de partage mais comme une expérience à part entière, notamment avec les jeunes héros de la série, premiers utilisateurs « naturels » de ces outils. A ce titre, Clem, diffusé sur TF1, avait très bien su exploiter le concept du blog / journal intime / réseau social et avait remporté un succès immédiat chez les adolescent(e)s.
A défaut d’être véritablement transmedia, le site de la méthode DB constitue une agréable transition interactive entre la saison 3 et la saison 4, mais se révèle un dispositif modeste pour accompagner dignement une des séries les plus populaires du paysage audiovisuel français. Il s’agit néanmoins d’un premier frémissement encourageant – et à encourager ! – de l’intérêt pour le transmedia dans l’écriture de fiction chez un service public en pleine transformation (à ranger à côté d’autres initiatives telles Ouifilechien, le récent webdoc Manipulations, ou encore la nouvelle plateforme FranceTv.info).
Bruno Salomone me surprend agréablement dans cette exercice, avec un personnage qui ma foi lui convient parfaitement.
Il semblerait qu’il ait vraiment le vent en poupe cet an-ci puisqu’on le retrouvera prochainement à l’affiche d’une comédie délurée d’Artus de Penguern intitulée : La clinique de l’amour. Un film dans lequel on retrouvera également Anne Depetrini, Helena Noguerra, Dominique Lavanant ou encore Michel Aumont.
On peut d’ores et déjà suivre les coulisses de cette comédie en en soutenant la production via le site touscoprod.
Une belle initiative à laquelle j’ai souscrit bien volontiers. Avis aux amateurs, ça se passe ici : http://www.touscoprod.com/project/produce?id=98