Ils ont planifié la Mission Braquo ! [2/2]
par Vincent PUREN, publié le 9.02.2012
Sur le podium des séries les plus appréciées de Canal + en 2011, Braquo s’est également démarqué avec son innovant Mission Braquo, au coeur du lancement de la saison 2. Une immersion dans le groupe CAPLAN, possible grâce au studio Lexis Numérique et au producteur Capa TV. Suite à l’article d’Axel Dubost, qui a « accepté la mission braquo » pour le Transmedia Lab, nous vous proposons aujourd’hui une interview de Magali Gatel, chef de Projet chez Capa TV. Elle revient pour vous sur les moments forts de « Mission Braquo » tout en annonçant quelques nouvelles de bon augure !
- Où est née cette idée d’intégrer le téléspectateur dans l’aventure via un dispositif transmedia ?
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Magali Gatel : Pour tout vous dire, cette idée d’utiliser des mécaniques de gamification dans un dispositif axé autour de la série nous a semblé une évidence dès la saison 1 de Braquo. Mais lancer une série est contraignant en termes de notoriété même si Olivier Marchal, le créateur de BRAQUO et l’auteur de la série saison 1, est connu des abonnés de Canal +. Cette contrainte nous a donc freiné pour lancer un tel dispositif ; de plus l’écriture scénaristique et le tournage de la série étaient déjà trop avancés pour penser intégrer un scénario parallèle.
Malgré tout, nous avons misé sur la notoriété d’Olivier Marchal pour mettre en place, en amont des diffusions, des épisodes de Making-of. Pendant 30 semaines avant les diffusions, toutes les étapes de tournage ont été suivies, du casting, aux plus impressionnantes cascades en passant par le choix des armes pour les personnages et les premières séquences exclusives ! De très courts bonus étaient également mis en ligne. Ce « web-docu-série-making-of » a ensuite été réutilisé en tant que bonus sur les DVD de la saison 1
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- Avec près 1,5 million de téléspectateurs cumulés lors de la saison 1, autant dire que cette barrière qu’est la notoriété ne pouvait plus vous freiner. Il ne restait plus qu’à proposer l’idée ? Avez-vous rencontré d’autres contraintes ?
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En effet, aux vues du succès de la première saison, il nous semblait (Capa TV) pertinent de lancer un dispositif transmedia cette année – en guise de « cadeau » pour remercier les abonnés de Canal +. L’usage de mécaniques transmedia reste encore inédit surtout dans l’hexagone, la principale contrainte cette année a donc été de toucher efficacement le grand public, non initié à ce genre d’expérience. Il a fallu penser les énigmes de la manière la plus simple possible. Le temps d’obtenir l’accord de Canal + le tournage avait déjà commencé, mais cela ne nous a pas empêché de débuter l’écriture de Mission Braquo en temps réel et entre temps de s’associer avec Lexis Numérique pour la conception et le développement. L’agence d’Eric Viennot nous a semblé être un choix logique aux vues de son expérience dans le domaine. Tout le monde a en tête le célèbre In Memoriam, dispositif transmedia de référence. Au final c’est ce travail d’équipe et la combinaison des expertises respectives de Canal +, Capa TV et Lexis Numérique qui a permis d’obtenir un tel rendu.
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- Comment Olivier Marchal et les nouveaux réalisateurs ont-ils accueilli cette opération ? Comment se sont-ils impliqués ?
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Eric Valette et Philippe Haim réalisateurs de la saison 2 n’ont pas contribué au tournage des scènes de Mission Braquo. Il a été difficile pour nous de faire comprendre aux équipes la raison de notre présence, mais aussi la mécanique d’un dispositif qui n’avait jamais eu lieu en France. Ils ont ensuite très bien accepté notre présence, notamment pour les tournages des séquences de jeu avec les acteurs, par Sacha Chelli (déjà réalisateur des making-of sur la saison 1).
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- Canal + à l’habitude de miser sur des formats innovant (advergaming, out-of-the-box etc.) quels apports retire la chaîne de cette expérience transmedia ? Est-ce aussi impactant et rentable qu’une campagne marketing classique ?
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Mission Braquo est une première en Europe, Canal + peu donc se targuer d’avoir cette primeur. Il s’agit d’un atout non négligeable pour conforter son image avant gardiste et novatrice. D’un point de vue financier, le budget d’une campagne « classique » de marketing n’est pas le même que pour un dispositif transmedia donc il est difficile de faire une comparaison. De plus cette approche étant quasi-inédite, le ROI (Return On Investment) n’est pas mesurable. Par contre je pense qu’utiliser des leviers marketing « traditionnels » aurait été une force pour soutenir le lancement de l’ARG.
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- Quels enseignements tirez-vous de cet exercice ? Si c’était à refaire, feriez-vous les choses différemment ?
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Comme je le disais, avec plus de moyens nous aurions certainement communiqué davantage auprès de nos abonnés et nous aurions fait en sorte de débuter la rédaction du jeu en même temps que la scénarisation de la série.
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- Certains joueurs ont été frustrés de ne pas voir de répercutions sur le scénario suite aux missions auxquels ils ont contribué. Comment percevez-vous cela ?
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La Community Management a été lourd à gérer. Il est vrai que sur la page Facebook de la série, il y a eu quelques commentaires négatifs mais ceux-ci ont été contrebalancés par les commentaires positifs sur le jeu. Il est difficile de satisfaire tout le monde. Même si tous les joueurs n’ont pas pu bénéficier d’une réponse de la part de Caplan, beaucoup d’entre eux ont été grandement satisfait d’obtenir des messages personnalisés.
Il n’est pas judicieux de comparer Mission Braquo à un jeu vidéo ou là, le gameplay est apparent et personnalisé . Il s’agit avant tout d’une phase de test et des progrès seront à venir dans les prochains mois.
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- Combien avez-vous récolté d’adresse e-mail, de numéro de téléphones ? Étant donné qu’il s’agit de données qualifiées, comptez-vous vous en servir l’année prochaine ?
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Le résultat est plus que satisfaisant puisque nous avons dénombré environ 15 000 joueurs. Parmi ceux-ci, 1% se sont désabonnés,15% n’étaient pas considérés comme actifs mais 60% des joueurs étaient très actifs. Plutôt frileux en temps normal pour révéler leurs données personnelles, les internautes, à 60%, n’ont pas hésité à nous confier leur numéro de téléphone portable afin d’augmenter l’immersion. Notre stratégie gagnante a été de récolter les informations au nom d’Eddy et non de Canal +. En partant du constat qu’1,2 million d’abonnés ont suivi la saison 2 de Braquo et qu’1% d’entre eux ont joué à Mission Braquo, je suis fière d’annoncé le succès de cette expérience.
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- En parlant de prochaine saison, qu’en est-il de la saison 3 ? Un ARG en perspective ? Des nouveautés ?
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Rien n’a été confirmé concernant la saison 3 de Braquo, mais si l’expérience venait à être renouvelée, nous comptons notamment prolonger le réalisme de l’ARG en immergent le joueur dans la peau d’un des personnages centraux.
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- Pensez-vous que ce dispositif ait permis de recruter de nouveaux téléspectateurs ou du moins de fidéliser les téléspectateurs après le premier épisode ?
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Mission Braquo dispose d’une forte notoriété aujourd’hui et cela se traduit notamment sur les réseaux sociaux puisque la série fidélise la plus forte communauté toutes fictions – diffusées par Canal + – confondus (plus de 72 000 fans). Il est clair que ce dispositif a permis de fidéliser les abonnés déjà fans de la série et je dirais même que cela a augmenté leur engouement pour Braquo.
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- Certains contenus adressés par e-mail et SMS étaient identiques. Est-il envisageable pour la prochaine saison de concevoir du contenu propre à chaque terminaux ? Quel est le potentiel des tablettes numériques dans tout ça ?
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Cela semble difficile temps que chaque joueur ne nous donne pas son numéro de téléphone, par exemple. Pour réserver du contenu à chaque terminaux il semble impératif que chaque joueur dispose de l’ensemble de ceux-ci.
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- En bref, s’il y a une chose à retenir de Mission Braquo ce serait ….. ?
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Je dirais qu’avec Mission Braquo, nous avons offert aux téléspectateurs de nouvelles expériences et cela dans le but de dépassé le mode passif qui n’a plus d’avenir ! Il reste encore tellement de choses à faire concernant le transmedia et c’est d’autant plus motivant.
En espérant vous surprendre avec nos prochains projets, nous vous invitons à découvrir le Bilan de « Mission Braquo » en vidéo.
POUR CONCLURE
Nous espérons que ces billets vous auront éclairé sur l’intérêt et l’étendue du travail effectué autour de » Mission Braquo « . Clairement affiché comme un projet expérimental, il est le signe d’un renouveau sur le marché audio-visuel hexagonal, soucieux de valoriser ses productions versus les mastodontes américains.
Celui-ci conserve une longueur d’avance grâce aux dispositifs ingénieux pensés autour de séries à succès telles que True Blood, Dexter ou encore Lost. Malgré tout, la France et plus largement les pays européens, ne manquent pas d’ambitions et l’arrivée prochainement de nouvelles fictions télévisuelles pensée de manière transmedia tend à le prouver.