Social TV et TV connectée : le mélange des genres
par Vincent PUREN, publié le 22.06.2012
Marché européen de la production audiovisuelle, Les Cross Video Days se sont tenus les 12 et 13 juin, au cœur du mythique Stade de France. « Social TV, un booster pour la TV », « Smart TV face au second écran », « Connectée, Sociale, Participative ou la TV nouvelle génération »… inutile de préciser que cette troisième édition était placée sous le signe du média Télévisuel, en phase de mutation (Smart TV, Social TV).
C’est sur le site du Transmedia lab qu’, Head of Research d’Eurodata TV et Natalie Bevan Directrice en charge de la Communication & du Marketing opérationnels de Médiametrie, ont introduit leur présence aux .
L’intervention d’Amandine fut l’une des plus remarquées, puisqu’elle a su témoigner avec justesse de la rapidité avec laquelle la télévision parvient actuellement à s’adapter aux évolutions de son environnement, en initiant de nouveaux formats de narration et en prenant en compte la rapidité du développement de la Social TV.
Selon ses dires, les réseaux sociaux sont une formidable opportunité qui permet à la télévision de se réinventer en proposant des expériences inédites, véhiculant des valeurs positives et optimistes.
LA SOCIAL TV DE L’EXPERIMENTATION AUX BONS USAGES ?
Les réseaux sociaux sont devenus le lieu où il fait bon échanger autour de ses programmes TV et recruter de nouveaux publics. Pour de Brainsonic, ces plateformes communautaires vont bousculer la manière de produire des contenus, d’interagir, de partager et d’enrichir une expérience.
Longtemps annoncé, le déclin de la télévision n’aura pas lieu ! Du moins, pas pour le moment puisque ce média se porte mieux que jamais. Sa consommation en hausse, se confirme aussi auprès des plus jeunes pourtant annoncés comme pilotes de sa chute. Même s’ils passent moins de temps devant le petit écran que leurs parents et grands-parents, ceux-ci consacrent tout de même plus de temps devant leurs téléviseurs que leurs écrans d’ordinateurs. En effet, ils passent 2h45 chaque jour devant la TV et moins de 5 heures par mois devant des contenus vidéo sur internet.
Les exemples de succès de programmes « socialisés» sont encore peu nombreux mais ne cessent d’augmenter. Aux Etats-Unis, QViva ! The Chosen, produit par Simon Fuller (X-Factor) Jennifer Lopez, Jamie King et Marc Antony, a bénéficié d’une diffusion quasi simultanée dans 21 pays du continent américain. En plus des classiques feeds et profils sur les réseaux sociaux, les producteurs ont conclut un partenariat avec Yap.TV pour bâtir une plateforme sociale autour du programme et produire du contenu exclusif pour le second écran. Grâce à la technologie de reconnaissance audio, les téléspectateurs équipés de smartphones ou de tablettes, ont pu découvrir au fil de l’émission : des vidéos, albums photos et autres publicités interactive venant enrichir l’expérience QViva !
Présentée par Lionel Abbo, directeur de la création, du développement et du digital chez Shine France, la stratégie sociale de The Voice, l’émission musicale de TF1, prouve qu’associer antenne et réseaux sociaux est un schéma gagnant, en mesure de réconcilier la chaîne de TV avec un public (notamment les fameux “digital natives”) insensible face à ses programmes. Les chiffres parlent d’eux-même, fut le sujet le plus tweeté en France durant sa diffusion . Près de 65 000 tweets ont été postés, avec un pic à plus de 17 tweets par seconde en dernière partie d’émission.
En apparence favorable à TF1, cette expérience n’en reste pas moins un sacré coup de pub’ pour Twitter, principal bénéficaire de ce show TV. Pourquoi ? Tout simplement parce que Twitter a su prendre le dessus sur TF1 et monopoliser toute l’attention des internautes, réduisant ainsi la consommation du programme à de la simple audition. Impossible de se concentrer pleinement sur deux écrans à la fois. Notre cible de digital friendly a donc dû concentrer son attention sur l’un des deux supports et le réseau social a certainement remporté ce duel. Dans une telle situation, le simple fait d’avoir la TV allumée est-il suffisant pour considérer cette audience comme qualitative ?
Ce problème est récurrent pour l’ensemble des productions télévisuelles qui ne pensent pas à intégrer les réseaux sociaux en amont et qui réduisent ceux-ci à des supports de second rang.
La déclinaison américaine de The Voice est à ce titre plus judicieuse. Sa seconde saison fut enrichie d’un social game baptisé . Ce jeu permettait aux téléspectateurs de bâtir leur propre équipe de 12 chanteurs virtuels, puis il leur était demandé de faire les bons choix, de mobiliser leurs amis sur Facebook pour les conseiller, et peut-être de découvrir « The Voice ». Ici on ne se limite pas aux deux heures de show, puisque l’expérience est prolongée tout au long de la semaine afin de fédérer et d’impliquer en continu une communauté de fans, contrairement à la version française distante vis-à-vis du public et dont l’intérêt premier est de faire connaître le programme et de sensibiliser le public au concept de l’émission.
Les intervenants se sont également penchés sur la question de la monétisation de la social TV. Sur ce point tout le monde s’accorde à dire qu’il manque un standard permettant de mesurer l’influence de cette monétisation. La quantité de messages postés étant faramineuse, il est difficile de calculer le retour du public sur un programme.
LA TV CONNECTEE, DANS L’OMBRE POUR COMBIEN DE TEMPS ?
La conférence sur la TV connectée avait pour objectif de définir la stratégie digitale, de diffuseurs allant du géant des nouvelles technologies à l’association espagnole de la TV interactive en passant par , expert des Télécoms et , communauté de travail des établissements de radiodiffusion de droit public allemande.
Les débats se sont logiquement portés sur la fameuse norme HBBTV qui permet aux chaînes de télévision de publier en plus et en accompagnement de leurs programmes télévisés, des contenus additionnels. A ce stade, HBBTV permet surtout aux chaînes de garder la main sur la publicité tout en esquivant l’experience initialement promise par la TV connectée.
En effet, ces promesses restent difficiles à intégrer dans les mœurs. Avec un taux d’équipement dérisoire et une notoriété assistée ne dépassant pas les 54%, on mesure le chemin à parcourir encore . Pour preuve, beaucoup de foyers possédant une TV connectable ne sont même pas connectées.
S’en est suivi la question du second écran. C’est à ce moment que l’on a pu constater combien les sujets abordés se sont entremêlés donnant parfois l’impression que les intervenants s’y perdaient eux-mêmes. Cette convergence des débats entre Social TV et Smart TV (celle qui est connectée, donc…) n’aide pas certainement pas à y voir clair…
Nous avons d’un côté les médias traditionnels en quête de renouveau via la “socialisation“ de leurs programmes (en Social TV, cette fois…)et de l’autre des “pure players“ tels que NetFlix et Youtube qui vont jouer un rôle de désintermédiation. Nous sommes face à un duel entre les supports médiatiques d’hier soucieux de survivre et les nouveaux entrants, pure players et géants technologiques actuellement en train de bouleverser le paysage audiovisuel en imposant de nouveaux formats.
Aujourd’hui, la force du phénomène Social TV est qu’il existe de manière autonome et le défi des diffuseurs sera de l’intégrer dans la TV connectée. D’ailleurs, tout laisse à penser que la dynamique sociale sera portée par le second écran, davantage personnel. Les études le prouvent, le téléspectateur ne souhaite pas intégrer son compte Facebook ou Twitter dans son écran du salon. Dick Costello, CEO Twitter présent aux n’a pas manqué de souligner qu’« il y a cinq ans, on pensait que la TV interactive serait sur Le téléviseur. Aujourd’hui, on sait qu’elle est sur le second écran. »
Pour conclure, les Cross Video Days furent l’occasion de confirmer l’attrait des professionnels de l’audiovisuel pour la Social TV, devenue essentielle pour conserver voire augmenter leur audience. On regrettera tout de même le manque de distinction entre Social TV et Smart TV, cette dernière n’ayant pas été approfondie durant ces deux jours de débats. Prochaine étape : trouver les mots justes pour toucher une population insensible car mal informée.
Dans un second billet nous reviendrons sur la dernière journée des Cross Video Days axée autour du Transmedia tant dans ses conférences que dans son pitch round.