Les web tendances et le transmedia vus par les créateurs de Web Television Observer

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par Sandra Albertolli et Dan Benzakein , publié le 24.02.2011

Suite au récent lancement d’un nouvel outil d’information sur les tendances web, Sandra Albertolli et Dan Benzakein, les deux créateurs du webtelevisionobserver.com  partagent leur vision du transmedia, nous parlent de leur blog et nous font part de leurs prévisions sur les tendances web en 2011.

 

1. Vous venez de créer webtelevisonobserver.com, pourriez-vous nous le présenter ?

C’est un site qui traite de l’actualité des programmes audiovisuels produits pour le web. Nous nous intéressons principalement à la notion de programme (pas de vidéos unitaires ou virales), qui implique une récurrence, une volonté de fidélisation du public. Comme en télévision, les programmes web peuvent être classés en trois catégories majeures : la fiction (webséries, aventures interactives), les programmes informatifs (webdocumentaires, magazines, émissions d’info) et le divertissement (talk shows, jeux, reality shows).

 

Face à la quantité de programmes produits pour le web, il est difficile d’être exhaustifs. Nous avons choisi de mettre l’accent sur des programmes de qualité, qui font sens avec le média et innovent dans leur rapport au public. Au sommaire de Web Television Observer, on retrouve une sélection de programmes web et de sites de contenus à travers le monde, des interviews avec des professionnels qui réinventent leurs métiers (de l’écriture à la production, de la diffusion à la relation avec le public), et quelques observations sur la manière dont le web est en train de redéfinir la télévision.

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2. Pourquoi avez-vous décidé de lancer ce blog ? Quels sont vos objectifs ?

Depuis deux ans, nous assistons au développement exponentiel de l’offre de contenus originaux à destination du web et à un engouement du public pour ces formats. Notre objectif est de mettre en évidence le développement d’un marché international autour de ces programmes. Nous avions envie de montrer les meilleurs initiatives en matière de contenus web, à la croisée de la télévision, du cinéma, du jeu vidéo. Envie de donner la parole à ceux qui œuvrent concrètement dans le domaine, pour mieux comprendre les enjeux du marché audiovisuel web.

Comme tout marché qui démarre, il est aussi très chaotique dans son organisation. Ses acteurs clés (créateurs, producteurs, diffuseurs, agences de publicité/média et annonceurs) expriment différents besoins : connaître l’état de l’offre et la demande du public, trouver de nouveaux concepts de programmes, définir des stratégies de distribution, élaborer de nouveaux modèles économiques, trouver les partenaires de demain. Nous avons souhaité répondre à ces besoins en créant Web Television Observer et Web Television Database, notre base de données de programmes audiovisuels web.

3. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur votre vision du transmedia et comment vous comptez aborder ce sujet à travers votre blog ?

Si le terme est devenu en quelques mois un buzzword en vogue dans les milieux du web, il reste souvent mal interprété. La plupart des projets déclinés sur plusieurs médias relèvent plus du “cross-media”, du “360”, de la licence, ou du produit dérivé. Le transmedia littéral (un univers narratif conçu pour et raconté sur plusieurs médias) reste aujourd’hui assez rare, pour des raisons de coûts, de compétences et d’absence de modèles économiques. Une création originale transmedia est un projet complexe, qui requiert de la vision, une maîtrise des différents supports, et peut s’avérer risqué.

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Cela explique peut-être pourquoi les studios hollywoodiens sont plus à l’aise avec les déclinaisons d’un succès avéré. Un autre point qui nous semble crucial dans une œuvre transmedia doit être la promesse d’une expérience plus riche pour le spectateur. Le média le plus intéressant dans le transmedia, c’est peut-être bien l’utilisateur, au centre du dispositif. C’est un schéma que connaissent bien les créateurs de jeux vidéo, qui se montrent pourtant relativement discrets sur le sujet, hormis Eric Viennot, qui travaille depuis In Memoriam (2003) sur ce qu’il appelle la “fiction totale”. Espérons que 2011 nous donnera l’occasion de voir un programme transmedia capable de toucher le grand public.

Sur Web Television Observer, nous essaierons d’aborder le sujet de la même manière que les projets monomédia, en observant la qualité formelle, la capacité à séduire, à tenir une promesse, engager son public, faire sens avec chacun des médias utilisés…

4. Quelles sont, selon vous, les principales tendances à venir en 2011 sur les nouvelles formes d’écriture, financement et distribution ?

La tendance actuelle majeure est la montée en gamme des programmes, avec des moyens artistiques et techniques à la hauteur de ceux de la télévision. Le web séduit de plus en plus de grands noms du petit ou du grand écran, tant pour sa dimension d’espace de liberté artistique, que pour le lien direct avec le public.

Côté écriture, le web a encore tendance à singer la télévision, tant sur les formats (fictions courtes, reality shows) que sur les sujets (la cuisine, indigestion annoncée de l’année 2011). Dommage, car à la différence de la télévision, il y a de la place et des audiences sur le web pour des programmes de niche qui n’intéressent pas les diffuseurs TV. Le web a aussi ses propres cultures, langages et formes, qui commencent à infuser la création audiovisuelle. Enfin, les écritures sont amenées à évoluer en même temps que les technologies sous-jacentes du web, elles-mêmes en perpétuel ajustement. Si le documentaire est aujourd’hui le genre qui a su le mieux tirer parti des possibilités narratives offertes par le web, l’interactivité reste plus rare dans la fiction. Peut-être parce que de temps en temps, l’internaute aime bien être un couch potato comme les autres…

Sur le financement et les modèles économiques, les sources potentielles sont de plus en plus nombreuses. La tendance est à l’hybridation, entre partage de revenus publicitaires, sponsoring, placement de produit, vente de droits de distribution, de droits d’adaptation, fonds privés/publics, abonnement, donation, crowdfunding, VOD ou DVD. Mais le secteur audiovisuel traditionnel voit aujourd’hui émerger des concurrents directs issus d’internet (AOL, Yahoo, YouTube) qui entendent jouer un rôle majeur dans la production et diffusion de contenus originaux premium.

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Côté diffusion, on assiste à la multiplication de partenariats de diffusion stratégique avec des labels ou plateformes. La tendance est à la création de sites de destination par des pure players issus du web (hulu, Tudou) et par les acteurs traditionnels de l’entertainment, qui créent des studios 100% web (comme Crackle.com chez Sony ou Stage 9 chez Disney). Parmi les autres tendances notables, de nombreux programmes web sont repris ou prolongés en télévision(Web Therapy sur Showtime, Mes Colocs sur MCM).

Il est intéressant d’observer comment certaines chaînes de télévision travaillent à l’intégration du web dans leur dispositif de programmes et de fidélisation de leur audience; le couplage TV + web tel que le pratique aujourd’hui MTV sur le direct (Video Music Awards) permet à la chaîne d’embarquer une composante essentielle de la télévision de demain : la voie de retour, aujourd’hui déployée sur les médias sociaux. Autre acteur majeur à observer dans ce paysage audiovisuel en pleine mutation, YouTube se met aux formats longs, événementiels, sériels, et petit à petit, met en place une véritable grille de programmes. Des stratégies qui ont fait leurs preuves en télévision, mais qui sont amenées à s’adapter à la spécificité du média internet : la complexité de la gestion de l’espace et du temps.

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A propos de Web Television Observer

Web Television Observer est édité par Story Factory, agence conseil en audiovisuel web. L’équipe de Story Factory : Dan pratique les réseaux en ligne depuis 1983, et travaille depuis plus de 15 ans à la création et diffusion de contenus (cinéma, musique, nouveaux médias). Il occupe pendant 10 ans le poste de directeur artistique et programmateur des Festivals d’Avoriaz, Deauville, Cognac et Gérardmer, puis bifurque vers la production musicale, avant de fonder en 2007 extralab, agence pionnière sur les communautés digitales.

Sandra a développé et dirigé le pôle Opérations spéciales et sponsoring de programmes chez Dailymotion durant 3 ans. Forte d’une expérience de 10 ans chez Carat TV et Isobar comme chargée d’étude TV puis directrice média Internet, Sandra fût parmi les premières en France à travailler avec les communautés créatives en fondant influence, le premier réseau de bloggeurs et de sites influents (2004).

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